jeudi 25 mai 2017

Yooka Laylee, retour aux sources de la plateforme !




Il y a 20 ans, le studio anglais Rare révolutionnait le monde de la plateforme en proposant un must have absolu du jeu vidéo sur la Nintendo 64 : Banjo Kazooie puis sa suite toute aussi réussie Banjo Tooie. Un univers coloré, aux mondes immenses pour l'époque, plein de choses à faire, plein d'items à collectionner, des mini-jeux, des quiz, un humour décalé, un langage improbable culte, des personnages tous plus barrés les uns que les autres, une réalisation aux petits oignons, des bruitages cartoonesques et j'en passe. A l'époque, c'est peu de dire que j'avais passé un excellent moment.


Puis, après un ultime tour de force (l'irrévérencieux Conker Bad Fur Day, tout aussi culte, toujours sur la N64), le studio Rare est progressivement rentré dans le rang, pas aidé par son rachat par Microsoft qui a peu à peu éparpillé façon puzzle les créateurs talentueux de cet âge d'or du jeu vidéo. Banjo Kazooie a bien tenté un retour via un 3e opus mais l'équipe avait alors accouché d'un jeu dénaturant complètement la licence et le genre même de la plateforme, sans parler d'une jouabilité exécrable. Bref, une déception énorme.


Heureusement, certaines pointures de l'équipe originelle de Rare  se sont retroussées les manches et ont décidé d'offrir aux fans de la première heure un jeu qui serait un vrai retour aux sources. Un jeu à l'ancienne pleinement assumé qui reprendrait tous les codes de Banjo Kazooie pour les transférer à un nouveau duo. Exit Banjo l'ours et Kazooie l'oiseau, place désormais à Yooka le caméléon et Laylee la chauve-souris. Pour le reste, rien ne change ou presque.


Yooka Laylee a plutôt été tièdement accueilli par la critique. En gros, pas un mauvais jeu mais tout en moins bien en comparaison avec Banjo Kazooie. Un jeu qui pomperait allègrement tous ses mécanismes de jeu sur son grand frère sans se renouveler. Un jeu qui manquerait d'un complément d'âme, notamment dans son humour moins percutant qu'à l'accoutumée. Un jeu à la jouabilité un poil vieillotte. Bon.


Sauf que l'intention était claire dès le départ. Le studio voulait rendre un hommage appuyé à un genre aujourd'hui tombé en désuétude. Il s'adressait donc en priorité aux gens comme votre serviteur qui a baigné là-dedans 20 ans plus tôt. Peut-on reprocher à des artistes de talent de recycler des recettes qui ont fait leurs preuves alors que c'est le but même de leur démarche ? Alors oui, le jeu ne plaira pas à tous. Il a un côté vintage dans sa jouabilité, avec ses problèmes récurrents de caméra, sa découverte progressive des différents mondes, la collectionnite aiguë de ses items... Alors oui, il laissera probablement les nouveaux joueurs sur le bord de la route. Mais si on le prend pour ce qu'il est, un vibrant hommage à une période révolue, un bond dans le passé, c'est un excellent jeu ! 


Déjà, le jeu est très agréable à regarder, très joli, très coloré. Le design des personnages, principaux comme secondaires, est plus ou moins inspiré mais globalement c'est pas mal et l'expressivité cartoonesque est au rendez-vous. Les missions sont nombreuses, malgré un nombre de mondes assez restreint. Mondes qu'il est possible de développer au fur et à mesure que l'on progresse dans le jeu, pour une rejouabilité accrue. Bref, le jeu n'est pas aussi court que l'on voudrait bien nous le faire croire, loin s'en faut, et il y a réellement de quoi faire, surtout si on vise le 100 %.


Les rencontres pittoresques ne manquent pas et il y a même des clins d’œil savoureux, comme la présence de Shovel Knight, autre personnage emblématique du jeu à l'ancienne, qui a récemment subi lui-aussi un lifting salvateur tout en gardant les spécificités de l'action / plateforme en scrolling horizontal. Quand on vous dit que c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleurs confitures...


Cela dit, oui, il y a quelques frustrations. La première est que, jouant bien moins qu'avant, je dois davantage m'y reprendre à plusieurs fois avant de remplir les missions. Je veux dire par là que si la jouabilité est aux petits oignons, elle devient désormais moins intuitive pour moi du fait d'un manque de pratique et d'habitude. Du coup, je peste sans trop savoir si c'est dur ou si je suis mauvais. La seconde concerne les mondes bien plus ouverts qu'auparavant. Du coup, si les diverses missions restent globalement bien scriptées, il n'est pas rare de se perdre dans les méandres d'un niveau, surtout lorsque celui-ci dévoile complètement ses zones secrètes, et donc de multiplier des allers-retours parfois inutiles. L'accès aux divers mondes est également plus ou moins évident à mettre à jour.


Mais malgré ces imperfections, je me régale. Je n'y passe pas trop de temps, juste quelques moments épars dans la journée, je vais à mon rythme, j'avance, je stagne, j'avance encore. Surtout je prends du plaisir. Chaque pagie récoltée (nom de l'item principal qui récompense la réussite d'un challenge) est une petite satisfaction personnelle. C'est certes futile mais il n'y a pas de petit plaisir.


Je persiste et signe : Yooka Laylee est un grand jeu. Pas simplement pour sa valeur intrinsèque. Mais parce qu'il a été conçu par une équipe soucieuse de revenir, le temps d'une délicieuse madeleine de Proust  à un âge d'or aujourd'hui passé de mode. Rare a soigné son bébé, a respecté ses fans de la première heure, et rien que pour ça, je leur suis reconnaissant. Yooka Laylee n'aura jamais l'aura d'un Banjo Kazooie, ne serait-ce que parce que l'effet de surprise n'est plus de mise alors que Banjo Kazooie avait révolutionné le genre à une époque pourtant pas si lointaine où les moyens engagés n'étaient que les prémisses des prouesses techniques actuelles. Prendre un tel risque de revenir aux fondamentaux est si culotté en soi que, rien que pour ça j'applaudis des deux mains.


Dommage que certains testeurs de jeux vidéo soient désormais si blasés pour ne pas prendre la pleine conscience du cadeau que nous fait ici Rare. Le jeu n'est pas un chef d'oeuvre. Il n'est pas exempt de défaut. Mais simplement, il existe. Et pour tout ce qu'il fait remonter à la surface, juste un mot à l'adresse des petits génies de Rare : merci ! 

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