samedi 6 mai 2017

Les Couleurs intrigantes de Sylvain Escallon



Énorme, je dis bien énorme coup de cœur pour cette BD d'un surdoué de 27 ans, Sylvain Escallon, qui n'en est même pas à son coup d'essai puisque, si je ne dis pas d’âneries, c'est déjà sa troisième collaboration avec l'éditeur Sarbacane. C'est une BD qui avait déjà attiré mon attention il y a deux semaines à Narbonne mais je n'avais pu en lire que quelques pages. Surtout, noyé dans une sélection de 22 titres, les circonstances n'étaient pas optimales pour savourer comme il se doit cette oeuvre noire, sombre, dérangeante, et dont les rares couleurs n'atténuent en rien l'atmosphère pesante du titre.



On va dire que je m'emballe, d'autant que tous les goûts sont dans la nature, mais Couleurs est l'une des meilleures BD qu'il m'ait été donné de lire, tous genres confondus. La construction du récit est extrêmement intelligente, la mise en scène dans sa lenteur anxiogène arrive à donner une sensation de vertige incessant, les symboles sujets à de multiples interprétations ne manquent pas et le dessin, majoritairement en N&B, un noir d'une opacité absolue, est d'une maîtrise remarquable.



Alors oui, j'abuse sans doute de superlatifs comme à chaque fois que je m'emballe, et rien ne dit que ce plaisir immense de lecture que j'ai eu sera partagé par ceux qui me lisent, mais je suis tellement reconnaissant à Sylvain Escallon de m'avoir fait vivre un tel moment de BD que j'assume complètement de me laisser aller à une douce euphorie. Et quant à ces petits éléments disséminés ici et là par l'auteur, sans que l'on soit vraiment sûr d'en saisir le sens, la portée ou le dessein, ils sont une réelle plus-value car d'une part ils offrent un potentiel de relecture non négligeable et d'autre part ils nous baignent dans une forme d'incertitude que n'auraient sans doute pas renié des artistes aux univers énigmatiques et personnels tels que Bashung (dans ses textes) ou Lynch (dans ses mises en abîme).


Cela dit, parce que je suis d'autant moins objectif que j'ai adoré, ne prenez pas pour argent comptant tout ce que je vous ai dit. Car trop d'attentes créent forcément la déception. Si vous en avez l'occasion, ou si ce billet vous en a donné l'envie, procurez-vous Couleurs et n'en attendez rien. Embarquez dans le train avec les deux protagonistes et voyez où cela vous mène. Vous avez un amnésique d'un côté et un homme mystérieux qui semble vouloir le prendre sous son aile de l'autre. Tous deux sont dans un train tueur de fourmis. Et à partir de là...  Je ne dirai rien de plus sur l'intrigue car en dire plus, ce serait déjà en dire trop. 


J'espère simplement que ceux qui se laisseront tenter aimeront et que ceux qui connaissent déjà auront passé un aussi bon moment que moi. Et que ceux qui seront malgré tout hermétiques ne m'en voudront pas C'est une BD réellement d'atmosphère, avec peu de texte et une belle mise en valeur du dessin par de grandes cases ou des pleines pages. C'est aussi un bel objet dans une BDthèque.
C'est avant tout un vrai coup de cœur et une vraie découverte.  Sylvain Escallon, un talent à suivre.

.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire